English : : : Percussions : : Cuba, les percussions afro-cubaines

Comme pour le Brésil, les polyrythmies cubaines sont le fruit d'un métissage des instruments et des rythmes des diverses cultures et ethnies peuplant l'île suite aux différentes vagues de colonisation et d'exils d'esclaves successifs, avec parfois une adaptation et une modernisation des techniques de fabrication des instruments et une invention dans les techniques de jeu.

Les instruments cubains Remonter

Les congas, par exemple, qui initie les rythmes de la rumba, du son, du mambo du Cha-cha et bien d'autres, sont comme leur nom l'indique, originaires du Congo. Mais les esclaves subissant une censure de leur culture d'origine, n'ont pu la perpétuer que clandestinement d'abord, en détournant des tonneaux pour en faire des fûts de tambour. Issu d'abord de la contrainte et de l'oppression, la technique de tonnellerie est transformé en atout par son originalité et devient un symbole à la fois révolutionnaire et patriotique. De plus, les artisans cubains ont encore modernisé l'instrument par la suite, en remplaçant les tirants en corde africains, par des tirants en acier à vis. Plus tard, c'est dans les cérémonies religieuses chrétiennes plus ou moins détournées par l'inspiration africaine (" Santeria ") qu'émergent des formes musicales stables, et dont Chano Pozo se fit l'ambassadeur profane dans le big-band de Dizzy Gillespie (l'utilisation de rythmes considérés comme sacrés jusqu'à lors, lui valu d'ailleurs de ne pas recevoir de cérémonie de la Santeria, lors de son enterrement). C'est ce que Dizzy baptisa lui-même le " cubop ", mélange de Be-bop et musique cubaine. Les compositions et arrangements qui en résultèrent formèrent le point de départ de ce qui donnerait plus tard la " Salsa " (littéralement la " sauce ") et le " latin jazz ", qui trouvent donc leurs sources aux Etats-Unis, plus qu'à Cuba même, dans les communautés de réfugiés (citons Ray Barretto, Tito Puente, pour les plus illustres leaders et virtuoses). Le succès populaire de la Salsa et son caractère métissé mais néanmoins ancré dans les racines communautaires en fait un vecteur de culture nationale idéal pour nombre de pays caribéens (Colombie, Vénézuela, Porto-Rico, etc.).

Citons d'autres instruments et leur origine pour démontrer le caractère métissé de la musique cubaine. Les claves (deux morceaux de bois frappés l'un contre l'autre) qui donne le rythme sans doute le plus typique (appelé comme l'intrument: "clave"), vient du Bénin. Les bongos semble avoir une origine arabe. Les maracas, quand à eux, constituent un des rares instruments d'origine amérindienne. Les cloches de vaches de fer frappées par baguette de bois sont utilisées dans la quasi-totalité des cultures africaines. Les " timbales " sont à l'origines des timbales classiques d'orchestre, de forme demi-sphériques (aujourd'hui cylindriques, toujours à simple peau, parfois encore en cuivre) mais jouées de manière africaine. Dans le " son " cubain, musique de bal et de concert, la guitare espagnole et les mélodies des chants à consonance européenne et en langue espagnole, sont omniprésents, parachevant le mélange, propre à fonder une identité typiquement cubaine.

Il est intéressant de noter que quand un instrument se perpétue , c'est aussi le bagage compositionnel musical associé à la culture dont il est issu, qui se perpétue, ce qui fait de la musique traditionnelle afro-cubaine, un patrimoine constitué de nombreuses traditions du monde entier, tellement anciennes qu'il est impossible de les dater (sans doute préhistoriques, compte tenu de l'archaïsme des techniques de fabrication des instruments).

Mais si les instruments et les compositions sont archaïques, il n'en va pas de même pour les techniques de jeu. Les congas en font un exemple frappant. L'utilisation des rudiments de tambour militaire européens (paradiddle, roulements), le tambourinage des doigts (piano), le jeu " paume-doigts " (guitare flamenco ?), sont autant d'apports cubains aux techniques africaines de base (claqué, tonique, basse, etc.). Aucun virtuose des congas ne peut aujourd'hui les ignorer (les plus grand maîtres actuels et historiques sont pour moi, Ray Barretto et Giovanni Hidalgo).

L'adaptation et l'intégration des percussions cubaines dans tous les styles de musique actuelle, de la pop à la techno, en passant par le swing et la musique écrite contemporaine, sans jamais perdre ses racines musicales, est une preuve s'il en est de la force et de la vivacité de cet héritage ancestral. A tel point que je pense qu'aucun musicien d'aujourd'hui, quelque soit son style, n'est sensé ignoré les bases des rythmes cubains, même sans connaître les techniques de percussion, tant ils sont maintenant ancrés dans toutes les cultures et musiques du monde entier, et que tout le monde les a entendu au moins une fois dans sa vie

Remonter

Marc de Douvan, nov 2005.

© 2005 Marc de Douvan Crédits Mentions légales