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: : : Leçons : : L'alternance des frappes

Sommaire

Introduction

Cette leçon fait suite à la leçon « La dissociation des frappes », et ne peut être abordée qu'après avoir acquis la maîtrise du jeu dissocié. Il s'agit de techniques gestuelles extrêmement pointues initiées par les batteurs militaires européens pour le "poignet-bras" (vulgairement appelée "technique Moeller", du nom du premier écrivain américain à la décrire par écrit, appelé "Up Stroke-Down Stroke"), sans doute Gene Krupa pour le poignet-doigt et bras-doigt (cette technique est décrite dans sa méthode appliquée au roulement classique ("papa-maman") et appelée "Bounce", mais Dave Weckl l'appelle "Pull technique", John Riley "Throwing and Catching motion" et Jean-Baptiste Perraudin, le "Snap" ), Joe Morello et Buddy Rich pour l'accentuation des deuxièmes coups de la même main au sein de roulements, et voient un accomplissement grâce au roulement d'une seule main ("One handed Roll") et au talon-pointe ("Heel-toe"), par les grands batteurs virtuoses des années 1960, 1970, 1980 (Elvin Jones (John Coltrane), Tony Williams (Miles Davis), John Bonham (Led Zeppelin), Ian Paice (Deep Purple), Neil Peart (Rush), Steve Gadd (Chick Corea, Al Jarreau, Michel Petrucciani), Dave Weckl (Chick Corea, Michel Camilo, Madonna), Vinnie Colaiuta (Chick Corea, Sting, Franck Zappa), Dennis Chambers (John Mac Laughlin) pour ne citer que les plus connus).

Ces techniques permettent de quasiment doubler la fréquence des coups avec un seul membre (roulement à un membre), amoindrir la fatigue, gagner de la puissance et obtenir une maîtrise totale des dynamiques (notamment l'accent sur le deuxième coup d'une note doublée (« shuffle ») ou obtenir une régularité («  propreté ») absolue des coups d'un roulement classique (« papa-maman ») à très grande vitesse). 

Tous ces gestes sont à extrapoler avec presque tous les « rudiments » (voir leçon 5), que je ne répéterais pas ici.

Notez toutefois que dans le cadre de polyrythmies, ils peuvent aussi être employés (notamment pour le chabada binaire ou l'imitation du surdo à la grosse caisse).

Pour ma part, je n'utilise plus les rebonds que pour des roulements très serrés, et les frappes identiques doublées pour un tempo très lent (je fais tout le reste avec des frappes alternées (voir ma démo vidéo)). Il est d'ailleurs intéressant de travailler des roulements en passant d'une technique à une autre, suivant l'intensité sonore voulue (rebonds pour le jeu pianissimo, poignet/doigts pour un jeu piano, bras/doigts pour le mezzo forte et poignet/bras pour le forte (voir le roulement d'introduction de ma démo avec decelerando et crescendo conjoint)). Mais il est tout à fait possible de marquer un accent avec une frappe apparemment moins puissante, ce n'est qu'une question de contrôle et c'est parfois utile.

Cette technique permet enfin, de passer rapidement d'un instrument à un autre du bas vers le haut, ce qui est impossible en utilisant le rebond (intéressant notamment pour passer du ping au dôme de cymbale ou à la tranche du charleston, ou d'un tom à une cymbale) ou de réaliser des accents dans une battue continue (typique du reggae sur le charleston, avec un accent toutes les croches dans un débit de double croches, très employé aussi en samba ou en R & B).

L'idée fondamentale qui sous-tend ces techniques est la reprise du concept de frisé (alternance entre deux membres, un coup par membre, en essayant d'avoir le même son, pour donner l'impression que l'on joue deux fois plus vite), mais alternant ici deux frappes dissociées (exemple : frappe de l'avant-bras (impulsion de l'arrière-bras) et frappe du poignet (impulsion de l'avant-bras)).

Pour ce faire, il faut dans la mesure du possible « armer » une articulation quand l'autre frappe (dans un frisé, on lève dans un mouvement symétrique un membre, dans le même temps que l'autre frappe).

Les positions décrites ici sont donc quelques peu différentes de celles de la frappe dissociée, mais seule (leçon 6, déjà citée). C'est pourquoi j'ai décomposé le geste de succession entre deux frappes d'un même membre, en plusieurs moments remarquables, appuyés par de nouvelles photos illustratives et des commentaires descriptifs.

Enfin, acquérir ces techniques demande beaucoup de concentration et de patience, mais le résultat en vaut vraiment la peine (pour les raisons énoncées au début, car aucune autre technique ne permet ces résultats spectaculaires et de plus en plus de batteurs les maîtrisent), alors ne vous découragez pas trop vite si vous ne les contrôlez pas tout de suite, ce ne serait que très normal.

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I : Le poignet/bras

1 : Descente du bras

A l'apogée de la levée, le poignet est encore cassé vers le bas et la baguette décollée de la peau. Nous sommes ici dans une position proche de la frappe, où le poignet amorce sa levée et où le bras a amorcé sa descente. Notez la position du pouce vers l'intérieur ici ("prise caisse claire", aussi communément appelée "prise allemande" aujourd'hui), pour lui éviter le choc de la frappe (surtout que la frappe des doigts oblige cette position inconfortable du pouce, raison de plus pour le ménager ici (l'articulation d'un doigt, c'est fragile (voir à la rubrique « santé : blessures»))).


2 : Fin de frappe du bras

Quand la baguette touche la peau, le poignet n'est pas tout à fait levé pour des questions de positionnement par rapport à la peau de caisse claire. Ce problème n'existe pas avec le charleston, où l'on peut taper la tranche avec le bras en ayant la levée maximale du poignet.


3 : Levée du poignet

Le bras n'a pas amorcé sa levée et le poignet termine la sienne.


4 : Frappe du poignet et levée du bras conjointes

La levée du bras atteint son apogée quand la baguette touche la peau grâce à la « cassure » du poignet.


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II : Le bras/doigts

1 : levée du bras

Le poignet sera ici toujours « cassé », pour permettre la frappe des doigts. En position haute, la main est fermée (doigts serrés sur la baguette). Notez que le pouce est ici aligné pile au dessus de la baguette ("prise timbalier" aussi appelée communémement "prise française" par certains professeurs, ce qui ne signifie rien pour moi: c'est juste une question de technique appropriée (ergonomique), pour chaque instrument et usage, geste*), contrairement à la position de poignet de l'alternance précédente, pour permettre encore une meilleure frappe des doigts.


2 : frappe du bras

Quand la baguette touche la peau, les doigts on à peine amorcés leur ouverture pour lever la baguette (encore à cause de l'ergonomie de la caisse claire).


3 : levée des doigts

Le bras est toujours en position basse. Profitez de l'énergie donnée par le rebond, la pince étant ici très libre. Le pivotement du pouce par rapport à l'index peut aider à propulser la baguette en arrière.


4 : Frappe des doigts

Le bras amorce sa levée tandis que la baguette touche la peau par l'action du resserrement des doigts sur la baguette (en fait, ils se relèvent pour faire s'abaisser la baguette par un mouvement de pivot au niveau de la pince « pouce/index »).


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III : Le poignet/doigts

1 : Levée du poignet

Comme précédemment, les doigts sont resserrés sur la baguette, lors de l'apogée de la levée du poignet (par cassure évidemment, ce n'est pas le bras qui se lève).


2 : Frappe du poignet

Les doigts amorcent une ouverture quand la baguette touche la peau.


3 : Levée des doigts

En ouvrant la main et en utilisant le rebond, le pouce et l'index.


4 : Frappe des doigts

En serrant brutalement les doigts sur la baguette, le poignet amorce sa levée.


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IV : Le talon/pointe avec repose du talon

1 : Levée de la pointe, talon posé au sol


2 : Frappe de la pointe, talon posé au sol


3 : Amorce de levée du talon, pointe toujours baissée


4 : Levée du talon et de la pointe conjointe

Par l'action de la levée de la jambe entière et non de la pointe du pied. Notez que le pied ne quitte jamais la pédale, pour éviter une frappe parasite du pied contre la pédale et un ralentissement inefficace.


5 : Frappe de la jambe, pointe tendue (talon levé)

En tendant la jambe (les genoux intervient ainsi que la hanche, pas de mouvement du pied qui doit être ici « bloqué » par une action antagoniste des muscles).


6 : Repose du talon sur la pédale, pointe en bas


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V : Le talon/pointe, talon toujours levé

Cette dernière technique, variante de la première, permet un jeu extrêmement rapide, mais est aussi très fatigante. Je conseille de la réserver pour le jeu rapide seulement (triolets de double croches, triples croches, etc.), et d'utiliser le geste précédent pour des tempos medium ou lent (doubles-croches, etc.).

1 : Levée de la de la pointe talon levé

Le talon est ici au plus bas pour ce geste, mais décolle quand même de la pédale.


2 : Frappe de la pointe, talon levé


3 : Levée de la jambe, pointe tendue


4 : Frappe de la jambe, pointe tendue


5 : Abaissement léger du talon, pointe baissée et talon restant quand même levé


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*Pour préciser pour le reste du monde, les batteurs militaires traditionnels dans tous les coins du monde (même en France!) depuis les premiers batteurs militaires européens (suisses) utilisent la "prise tambour" ("prise traditionnelle" en américain, avec la baguette gauche entre le pouce, le majeur et l'annulaire) seulement à cause de la profondeur du fût de tambour (et pas dans le cas de la caisse claire allemande, dans une position parfaitement horizontale pour la marche, d'où l'expression: "prise allemande", pas efficace pour la frappe des doigts, seulement la frappe du poignet et baguettes tournées vers l'intérieur, le centre de la peau), ce qui implique de l'incliner pour permettre de marcher, bouger les jambes (faites l'expérience!). Ce n'est absolument pas une question de culture ou nationalité (les premiers batteurs de jazz comme Baby Dodds étaient formés dans les batteries fanfares de défilés de carnaval de la Nouvelle Orléans, d'où la même technique employée sur une batterie moderne, ce qui n'est absolument pas une obligation). Voir la preuve avec une gravure de l'ère napoléonienne ici.

Des timbales quand elles sont jouées avec des violons: pas besoin de jouer fortissimo, mais très musical de faire des frisés rapides comme ornementation (les mailloches de timbales ont un manche très fin, mais une large tête, généralement avec feutre, ce qui n'est pas approprié pour les rebonds qui permettent le roulement de tambour ("papa-maman")). A l'origine les timbales étaient utilisées sur les flancs gauche et droite des chevaux ou dromadaires dans la cavalerie militaire (comme il y a longtemps dans l'armée de Gengis Kahn), et la prise était comme celle d'un marteau (ergonomique encore!) et sans doute avec le pouce en haut (à cause de l'orientation parallèle des baguettes, pour frapper à différents endroits, bouger vers l'extérieur) mais pas toujours avec impulsion des doigts (la technique basique est d'accentuer la ligne de basse, en croisant parfois les bras, et en frisant avec les doigts).

Voir ici des démonstrations traditionnelles de la Garde Républicaine, fondée par Napoléon Bonaparte en 1802:

http://www.youtube.com/watch?v=YglBEn3mDVQ

http://www.youtube.com/watch?v=c-mcBhE5olE

Batterie militaire Internationale démontrant la prise tambour traditionnelle:

http://www.youtube.com/watch?v=tuGO2-AZYdo

L'armée allemande utilise aussi la prise traditionnelle ("tambour")!

http://www.youtube.com/watch?v=4LZYHoJ32-0

Des percussionnistes symphoniques allemands jouant la "prise française" (non sens pour moi: juste des timbaliers jouant la prise correcte)?

http://www.youtube.com/watch?v=6dHOhpRr_Vc

Marc De Douvan, juin 2006, novembre 2012 pour l'astérisque.

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