English: : Grands batteurs






Cours
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Moeller Sanford

Musiciens ou groupes:

Lancraft Fife and Drum Corps, George M. Cohen, Metropolitan opera house, the Seventh Regimental Army Band

Biographie et commentaire

Né en 1886 et mort en 1960, Sanford Moeller est un des premiers pédagogues à décrire non seulement les rudiments de la batterie militaire, par des partitions (la première partition publiée pour tambours de l'armée américaine datant de 1812, écrite par le Tambour Major des Marines, Charles Stewart Ashworth, avec l'usage des rudiments typiquement américains) mais aussi les techniques de jeu spécifiques, souvent oubliées en orchestre symphonique (transmission traditionnelle orale de la batterie militaire). Sa méthode, "The Moeller Book: The Art of Snare Drumming" fut publié en 1925 (6 ans avant l'officialisation des 26 rudiments américains par la "National Association of Rudimental Drummers" (N.A.R.D.)dont George Lawrence Stone, l'auteur de la fameuse méthode de caisse claire "Stick Control for the Snare Drummer" (1935), était président). Outre des rudiments spéciaux comme les "flams taps" (une spécialité de Steve Gadd), "flams paradiddles", etc. , qui, par l'usage des coups triplés voire quadruplés de la même main, se distinguent de la tradition de la batterie militaire européenne (en France d'autres rudiments existent, appelés "coups de baguette" à l'origine, comme le "coup de charge", le "flagada" ou le "pataflafla"*), Sanford est connu pour sa célèbre "technique Moeller" ou "Coup Moeller". Cette technique en fait assez naturelle, lui a été inspirée par l'observation de joueurs de tambours de l'armée américaine, vétérans de la Guerre de Sécession, qui pouvaient jouer des journées entières sans se fatiguer (le tambour, à l'époque où les fusils ne tiraient qu'une seule balle (voir aussi les "Batteries du Premier Empire"*), était indispensable pour l'organisation des rangs des fantassins, leur marche au pas, recevoir les ordres et même reconnaitre leur régiment ou nationalité à l'oreille!). Un bon exemple où la théorie suit la pratique et non l'inverse (Sanford Moeller n'est donc pas l'inventeur de cette technique, comme beaucoup le pensent, mais le premier écrivain à la décrire par écrit et l'enseigner à des jazzmen, des batteurs "modernes"). J'ai moi-même utilisé la technique Moeller pendant des années sans le savoir (en jouant 5 heures d'affilé lors de carnavals, la technique de base de la « Caixa », caisse claire brésilienne, étant de jouer les rythmes par des accents sur un tapis continu de notes fantômes en frisé de double croches, sur le modèle du djembé). L'idée est d'exploiter au maximum le rebond et l'alternance de frappes en succédant ce qu'il appelle "Up stroke" et "Down stroke", c'est-à-dire un coup partant de bas (faible, note fantôme) et rebondissant haut et un coup partant de haut (fort, accent) et rebondissant bas (voir ma leçon, "l’alternance des frappes", qui montre qu’il s’agit en fait d’alterner la frappe et la préparation de parties différentes des membres (frappe par l’articulation du poignet (coups faibles), et du bras (coups forts), par exemple, extrapolable à la jambe, qu’on appelle couramment « talon/pointe » ("heel/toe" en anglais), une technique d’abord utilisée en batterie jazz samba/bossa nova, pour mettre un accent sur le deuxième coup d'une note doublée et imiter le surdo)). Moeller fut le professeur des plus brillants batteurs de la génération qui suivit, comme Gene Krupa ou Jim Chapin, le premier auteur de méthodes de batterie jazz be bop (« Advanced Techniques for the Modern Drummer », 1948), observée à New York chez Kenny Clarke principalement, son inventeur, mais aussi Max Roach et Art Blakey, tous batteurs de Dizzy Gillespie et Charlie Parker dans les années 1940. Gene Krupa explique d'ailleurs la technique Moeller à l'aide de photos très détaillées (comme moi-même sur ce site, leçon "alternance des frappes") dans sa propre méthode de 1938 (« Drum Method »), la première méthode présentant le concept d’indépendance des 4 membres (jeu avec accords ou non, qui s’écarte du tambour seul ou du style Dixieland avec roulements sur caisse claire, cloche ou wood-block, décrit dans une méthode de Ray Bauduc de 1937) et qui reste encore aujourd’hui une référence demandée pour apprendre la batterie, surtout aux USA, preuve de son extraordinaire avant-gardisme.

* Voir la "Méthode de tambour et caisse claire d'orchestre" officielle du conservatoire National Supérieur de Musique de Paris écrite par Robert Tourte (publication: 1946), transcrivant aussi toutes les "batteries (qui désignaient ici des compositions pour tambours militaires seuls, de l'expression "battre le tambour") du Premier Empire", napoléoniennes (en plus des "Marches de la Garde Républicaine" (encore employées) et des rudiments français). Les rudiments français y sont appelés "coups de baguette", ce qui est une dénomination confusante car un coup de baguette est aussi une manière de frapper l'instrument, et non une composition (exemple: "double stroke roll": "roulement à double coups"), mais la synonymie avec le mot américain (qui est en plus d'origine française!) "rudiments" ne laisse aucun doute (=phrases rudimentaires, pour l'apprentissage, et combinées dans les compositions, certaines étant communes, bien qu'une fois encore désignées différemment dans les deux langues, comme le "moulin" traduit par "single paradiddle", ou le "volant", par "double paradiddle"). Les rudiments français viennent d'une tradition ancienne venant peut-être des turcs (qui amenèrent caisses, timbales, et cymbales et leur usage militaire (Janissaires)) et aussi des suisses (intégration de bataillons suisses et du tambour dans l'armée française suite à la bataille de Marignan, 1515). Ils ont suscités de longues années de recherches techniques en France (des partitions parfois destinées aux instructeurs de l'armée très anciennes existent (1588 pour la plus ancienne: "Orchésographie" de Thoinot Arbeau, ou "Instruction pour les tambours" ,1754), et elles utilisent parfois encore d'autres rudiments, désignés souvent par des onomatopées (évoquant déjà le "scat" et le "human beatbox", mais aussi les anciens "bols" indiens, tout en étant différents) pour la transmission orale (voir revue "Percussions" n°29 (déc 2010) de l'Association Française pour la Percussion)!). Les "rudiments" français se sont classisés sans doute à l'époque napoléonienne (apogée des formations rangées de fantassins, engendrant une virtuosité inégalée par la suite, avant que le fusil puisse tirer plusieurs coups sans recharger, et les télécommunications électriques, rendant le tambour obsolète sur les champs de bataille). Les rudiments français ont à leur tour certainement inspiré une partie des rudiments officiels américains de la N.A.R.D., mais il est un fait que tous ne sont pas encore repris aujourd'hui (bien que des intégrations récentes aient été faites comme le "pataflafla", nommé comme en France, par la Percussive Arts Society (P.A.S.), cette fois, qui se détache de la fonctionnalité et tradition militaire, en définissant 40 rudiments différents, en 1984). Donc, les rudiments américains n'apparaissent pas comme une "mise à jour" rendant inutile la prise de connaissance des "coups de baguettes" français napoléoniens traditionnels, d'ailleurs souvent plus rudimentaires et logiques (Descartes n'est pas loin), mais bien comme une approche culturelle spécifique (il faut savoir qu'un simple rudiment pouvait être associé et réservé à un ordre, régiment ou une nationalité dans l'armée, comme un uniforme ou un drapeau). Je rappelle que la guerre d'indépendance des Etats-Unis d'Amérique (1775-1783) a été faite au côté de régiments français et que peu de temps avant (1763, conquête anglaise lors de la "Guerre de 7 ans") une grande partie des Etats-Unis actuels était encore composée de colonies françaises ("Nouvelle France"), pas seulement la Louisiane actuelle (vente des dernières colonies par Napoléon Bonaparte en 1803), aussi berceau du jazz (le "coup coulé" est un rudiment spécifiquement français, typique aussi du jazz de la Nouvelle Orléans et de ses "marching bands" du Mardi gras (venant d'une tradition des colonies françaises catholiques), qui met un accent syncopé ternaire sans doute le plus typique du jazz dans un ra de 4 coups ("bâton mêlé", expression attestée par dictionnaire français dès 1690), mais non présent dans les rudiments de la N.A.R.D. ou même de la P.A.S.). Tout cela me fait penser qu'un batteur qui se dit vraiment progressiste et moderne devrait connaître les rudiments français tels que décrits sur mon site et dans mes méthodes ou dans la méthode Robert Tourte. Il est à remarquer que l'usage de l'accent dans les batteries militaires françaises demandait déjà la maîtrise de la technique Moeller. D'ailleurs, Robert Tourte indique bien dans sa méthode: "Les avant-bras et les poignets seuls, doivent agir", tout en ne précisant pas comment. Cela laisse à penser que Sanford Moeller est le premier écrivain au monde à décrire précisément le concept que j'appelle "l’alternance des frappes". Enfin, certains des rudiments américains ne sont pas si basiques car parfois peu efficaces (coups triplés ou quadruplés de la même main à la suite, sans doute par souci de montrer une virtuosité et un particularisme national), je ne les conseille donc pas aux débutants en batterie moderne.

Marc De Douvan, publication: 3 mars 2009.

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