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Les caisses

Les caisses

Les caisses sont des tambours à double peaux et fût (caisse de résonance) cylindrique généralement peu profond, par rapport à son diamètre, d'origine turque ("davul" en usage chez les janissaires ottomans). La caisse claire ("snare drum" en anglais, "caixa" ou "caixeta clara" en portugais, "caja clara" en espagnol) est petite et aiguë (diamètre de 10 à 14") et la grosse caisse ("bass drum") est grande et grave (diaamètre de 16 à 26" pour les batteries modernes mais les modèles orchestraux vont jusqu'à 40").

. : La caisse claire : .

Caisses claires Tama Swingstar en acier chromé (à gauche) et Ludwig Supraphonic LM 402 (à droite)

La caisse claire, dont la forme définitive à double serrage est d'invention américaine (brevet d'Emile Boulanger, 1883 (voir photo), avec accordage indépendant de chaque peau), est normalement large de 14". C'est la taille standard, en dessous on l'appelle caisse claire "piccolo" ("petite" en italien, langue associée à la musique depuis la Renaissance et les débuts du solfège classique européen). Sa profondeur varie de 2 à 8 1/2 ".

Toutes les caisses claires sont munies d'un timbre, et la plupart avec déclencheur, pour l'appliquer ou pas, et d'un réglage à vis pour la pression contre la peau de résonance (pontet et serre timbre). Les brins du timbre sont aujourd'hui à ressorts d'acier (de forme spiralée). Certaines possèdent en outre une sourdine ajustable en feutre qui s'applique par une vis extérieure contre la peau de frappe, par en dessous, à l'intérieur du fût (voir photo: Ludwig Supraphonic LM 402 vue de dessous).

Caisse claire, vue de dessous

La caisse claire est généralement tendue assez fort, pour assécher le son (pour rendre audible les notes rapides des roulements et faciliter le rebond). Elle est pour ce faire munie de 6 à 12 tirants à vis, suivant les modèles, par peau (avec une coquille par tirant ou pour deux tirants opposés (un par peau)). Pour apprendre comment tendre correctement les peaux de tambour, voir ma leçon: "Tendre ses peaux".

Emplacement de la caisse claire dans un set
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La caisse claire est la "reine de la batterie", l'instrument le plus polyvalent, expressif et clair (avec des balais bien maîtrisés, certains jazzmen virtuoses comme Max Roach ou André Ceccarelli, ne font parfois des solos qu'avec elle). Elle est donc placée à la place de meilleur choix: entre les jambes du batteur (n'y voyez rien d'obscène, c'est juste qu'il s'agit de l'endroit le plus accessible aux deux mains, et ce, de manière parfaitement symétrique, sans avoir à tourner le buste). On peut la positionner à l'horizontale, ou penchée à sa convenance (personnellement, je conseille de la pencher de quelques centimètres seulement, dans l'axe de symétrie du corps, vers soi, pour lui permettre de se rapprocher de la hauteur des toms, sans gêner les "rims shots pleine peau".



Il existe de nombreuses techniques de frappe (ou "coups") spécifiques de la caisse claire:

coup normal

1: La frappe normale (caisse claire en acier chromée 14x5" Tama Swingstar ici) est celle de l'olive sur le centre de la peau.









cross stick

2: Le "cross stick" est une frappe typique du jazz et du latin jazz, qui consiste à frapper le cercle ("rim" en anglais) avec le manche tout en plaquant une extrémité de la même baguette contre la peau, pour la faire résonner.







rim shot

3: Le "rim shot" consiste à frapper simultanément le rim et la peau, pour assécher et décupler la puissance de la frappe (par un effet de levier). Gene Krupa est reconnu comme l'inventeur de cette technique.







Remonter rim stroke

4: La frappe du cercle ("rim") seul ("rim stroke") ressemble à la frappe traditionnelle du fût de timbale latine ( Art Blakey et Max Roach l'utilisaient dans le style latin (salsa, samba, etc...)).







stick shot

5: Le "stick shot" est un autre coup spécial de caisse claire : le coup de manche de baguette contre l'autre baguette, avec l'extrémité d'une baguette posé sur la peau (ou "stick on stick"), très employée par les premiers batteurs de jazz.







La technique spécifique de base du batteur est le "roulement" ("long roll" ou "double stroke roll" en anglais) qui consiste à laisser la baguette rebondir une fois entre chaque coup de "frisé" (alternance main droite, main gauche). On appelle cette technique le "papa-maman" en batterie militaire française. Mais les jazzmen ont développé ce concept en variant le nombre de rebonds (de 0 à 3), pour acquérir une grande liberté et indépendance des mains.

Plusieurs figures typiques militaires classiques (appélées vulgairement "rudiments") sont issues du roulement :

  • 1 - le " ra " : roulement court avec accentuation du dernier coup sur un temps (exemple: ra de 5 : " papa-maman-pa ") ;

  • 2 - le moulin (" paradiddle " en anglais) : figure symétrique alternant une note doublée et deux en frisé (dans le même débit) : DGDDGDGG ;

  • 3 - le " volant " (ou " double paradiddle ") : idem mais avec 4 notes en frisé (en 6 temps donc) : DGDGDDGDGDGG

  • 4 - le " rigodon " : un frisé avec une note doublée deux fois plus rapide intercalée et avec symétrie (6 temps) : D - GGD - G - DDG - (- = silence).

Toutes ces techniques on progressivement été adaptées pour la batterie avec pédales, sans rebond, avec une alternance des pieds et des mains (exemple le plus courant : pied droit main gauche, en tenant des battues en indépendance avec la main droite et le pied gauche ou main droite à l'unisson avec le pied droit).

Une autre technique militaire classique européenne que l'on retrouve aussi chez les joueurs de djembé et qui exploite la frappe des deux mains, est le "fla" (ou "flam" en anglais). Elle consiste à donner deux coups très rapprochés (un de chaque main) et isolés.

Les joueurs de tambour virtuoses combinent et enchaînent avec aisance, flas, frisés et roulement. Une technique issue des premiers batteurs virtuoses (Gene Krupa, Buddy Rich) consiste à alterner frappe des doigts et frappe du poignet, pour exécuter une sorte de frisé avec un seul bras, et ainsi démultiplier la vitesse tout en restant "propre" et égal dans son jeu. Cela permet aussi de donner l'impression de jouer avec 4 bras en plus des pieds, en utilisant la cymbale ride ou le charleston à la main droite et la caisse claire à la main gauche, en jeu superposé (polyrythmique). Des batteurs comme André Ceccarelli ou Dave Weckl sont des maîtres actuels de cette technique. Tony Williams excellait également dans cet exercice. La frappe alternée permet aussi de mettre un accent sur le deuxième coup d'une note doublée, sans se fatiguer. On peut aussi alterner frappe du poignet et frappe du bras, technique très utilisée en "reggae", sur le charleston. Cette technique plus classique en tambour militaire (décrite pour la première fois par écrit par le joueur de tambour et pédagogue américain Sanford Moeller, c'est pourquoi on l'appelle vulgairement "technique Moeller" ou "coup Moeller"), consiste à alterner un coup donné par l'impulsion de l'arrière bras (avec articulation du coude) et de l'avant-bras (avec l'articulation du poignet). Voir une description précise de ces techniques gestuelles pointues avec photos à ma leçon "L'alternance des frappes".

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Les balais ("brushes" en anglais, ce qui signifie "brosses ou pinceaux") constituent une autre alternative aux techniques de jeu, en utilisant leur frottement contre le grain de la peau. Il sont originairement à brins d'acier souples et fins, mais peuvent aussi être à brins de nylons, moins sonores et expressifs mais plus résistants. Voir ma leçon originale sur le maniement des balais avec schémas interactifs animés: "Les balais".

Certains batteurs comme Max Roach ou Jack de Johnette se servent de mailloche de timbales classiques pour créer des ambiances et des styles de jeu différents.

Enfin, les batteurs de rock utilisent fréquemment la frappe simple des baguettes l'une contre l'autre (peu sonore, et loin des micros), pour battre la première mesure et ainsi donner le départ et le tempo d'un morceau (1, 2, 3 et 4, les 4 temps d'une mesure 4/4).

Voyons maintenant des types de composition spécifiques de la caisse claire, historiquement. En batterie militaire, une section de caisses claires (ou groupe) joue des compositions à l'unisson (et donc pré écrites), en exploitant toutes les finesses techniques (roulements, frappes, frisés, triolets, flas, voire jonglages et chorégraphies) et en indépendance des autres instrumentistes, mais avec un fort caractère rythmique (le jeu est généralement assez "plat" sur le plan des "dynamiques" (variations d'intensité) sauf dans les "batteries" (compositions pour tambours solo) napoléoniennes ou l'accent est très présent).

En jazz, la caisse claire improvise en continu, d'une main (la gauche pour les droitiers), pour accompagner les solistes de manière interactive, tout en conservant une phrase répétitive (sur deux temps) en "indépendance" avec la main droite sur une cymbale: le fameux "chabada". Cette technique rappelle beaucoup la technique de jeu des "dununs" mandingues, tambours joués d'une main, l'autre jouant d'une cloche.

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. : La grosse caisse : .

La grosse caisse

Instrument d'origine turque ("Davul", joué au départ à deux baguettes, une épaisse au dessus et une fine, en-dessous), la grosse caisse est traditionnellement frappée par une batte (baguette épaisse avec tête cylindrique en bois et entourée d'une épaisse couche de feutre) en Europe (sur le modèle des baguettes de timbales sans doute d'origine mongoles). Utilisée avec la main dans les fanfares, elle est actionnée par une pédale munie d'un ressort pour l'armement (retour de la batte en arrière), et fixée à un axe de rotation (la baguette en bois est devenue tige en acier), en batterie de jazz (ou batterie moderne ("modern drums") ou contemporaine ("contemporary drums").

La tension d'une peau de grosse caisse est généralement assez faible, pour éviter un rebond trop brutal et de trop grandes vibrations dans le pied (ce qui affecte les tendons et articulations). Cela permet aussi "d'écraser" la batte sur la peau, facilement, au moment de la frappe, ce qui assèche encore le son (personnellement je préfère, dès que c'est possible). Les batteurs de rock et fusion retirent souvent la peau de résonance de la grosse caisse pour assécher le son et frapper plus fort. On peut aussi étouffer la peau de frappe avec une couverture ou un oreiller. Personnellement j'aime bien le son qui résulte de l'étouffement de la grosse caisse combiné au retrait de la peau de résonance, car il se distingue mieux de la basse (même tonalités) et le rapproche d'un son de tom ou caisse claire frappé par baguette, ce qui permet de faire des roulements alternant pieds et mains bien harmonisés et audibles (surtout avec une double pédale).

Beaucoup de batteurs actuels (et pas qu'en métal) utilisent une double pédale de grosse caisse ou deux grosses caisses (une à chaque pied) pour jouer des figures classiques identiques aux mains, et donner une impression de grande vitesse.

La grosse caisse est généralement vendue en kit avec des toms de même finition mais elle est généralement avec un fût plus épais. Elle possède des pieds plus ou moins solides et réglables avec des embouts en caoutchoucs voire des pointes d'acier rétractables. Je déconseille l'usage des pointes, qui abîment le sol. Un bon tapis persan (antidérapant) et une position surélevée de la grosse caisse au niveau des pieds (pour que la pression du poids de la grosse caisse et des chocs de batte se répercutent sur les pieds uniquement), suffit en général à empêcher le recul. Il faut bien prendre soin à positionner son siège sur le même tapis, pour que le poids du corps empêche le déplacement du tapis lui-même (surtout si l'on est sur du parquet laqué). Dans une pièce moquettée, le tapis est aussi utile, comme protection, car les nombreux pieds du kit laissent souvent des marques.

La grosse caisse était originellement l'instrument qui marquait les temps forts ou "beat" (1 et 3 dans une mesure 4/4) en complémentarité des temps faibles ou "afterbeat" ou "backbeats" de la caisse-claire (2 et 4), dans les marches militaires (origine teutonique: "oum-pa" ou "boum-tchac" ). La pop et le rock ont conservé cette composition européenne archaïque de base (sans doute d'origine celtique) mais ne marque généralement que le premier temps à la grosse caisse, alors que la caisse claire marque tous les temps faibles (plus subtil et "en l'air", ce qui rapproche du be-bop et de la musique africaine). Dans le jazz des origines et jusqu'au be-bop, la grosse caisse marquait chaque temps (ce qu'on retrouve dans la musique "disco" de 1975 (inventé par le batteur français Marc Cerrone) ou "techno" ou "dance music" des années 1990, mais sans "swing", purement binaire, contrairement au jazz et proche de la samba brésilienne).

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Dans les années 1940 Louie Bellson (littéralement: "le fils de la cloche", un nom prémonitoire mais en fait "Ballasoni" voulant peut-être dire originellement en italien "beaux sons"?) est le premier batteur à avoir l'idée et à faire usage de deux grosses caisses (et à jouer des frisés avec les pieds, alternés avec des frisés des mains sur la caisse claire, lors de ses solos, technique reprise bien plus tard par les batteurs de métal comme Mike Portnoy, Mike Terrana, Terry Bozzio, Marco Minnemann, Gene Hoglan, Joey Jordison ou Aquiles Priester).

C'est peut-être Buddy Rich qui initie dans les années 1940, l'alternance main droite/main gauche/pied droit, spécifique de la batterie, qui sera reprise à une vitesse faramineuse par Elvin Jones, Mitch Mitchell (qui dit lui-même s'être inspiré d'Elvin) et John Bonham, dans les années 1960.

Kenny Clarke systématise dans les années 1950 un accompagnement libre, décalé, varié et improvisé de la grosse caisse aussi bien que de la caisse claire. Ce sont les premiers batteurs de rock qui ont l'idée de varier seulement la grosse caisse et plus la main gauche, peu de temps après (les batteurs de rock étaient d'ailleurs souvent à l'époque également des batteurs de jazz). L'insertion de "ghosts notes" ("notes fantômes") quelques années plus tard, qui consiste à improviser des notes pianissimo à la caisse claire autour des afterbeats fortissimo, achève de fonder le style pop ou rock de la batterie, et inventé par les premiers batteurs de James Brown dans les années 1960: John Jab'O Starks, Clyde Stubblefield et Bernard Purdie (ce qui en fait un style de jeu typique du funk et plus tard du jazz-funk, purement instrumental avec notamment Billy Cobham, Jack Dejohnette, Steve Gadd, Dave Weckl et Dennis Chambers).

Comme pour les mains, la technique de l'"L'alternance des types de frappes" permet d'aller plus vite et d'accentuer le deuxième coup d'une note doublée. C'est ce qu'on appelle le jeu en "talon-pointe" ("heel-toe"), qui consiste à alterner la frappe du pied, talon posé, par les muscles du mollet et du dessus de la cuisse, et la frappe de la jambe entière, talon levé (pointe tendue), par les muscles du dessous de la cuisse, des fessiers et des abdominaux. Popularisée par John Bonham dans les années 1970, qui est aussi l'inventeur du roulement ternaire en triolet avec un coup de main droite et deux coups de pied droit en débit continu, cette technique voit ses plus grands maîtres chez les batteurs des années 1980-90, Dave Weckl, Dennis Chambers, Vinnie Colaiuta et Steve Gadd, qui poussent ainsi la batterie à un niveau de virtuosité jamais encore atteint et apportent enfin ses lettres de noblesses au jeu du pied et des pédales, seul spécificité véritable de la batterie moderne par rapport aux autres instruments de percussion.

Certains batteurs contemporains utilisent parfois une deuxième grosse caisse de diamètre différent, pour jouer de deux tonalité différente avec les pieds, qui peut être placé à droite de la grosse caisse de droite grâce à une double pédale s'étendant à Remonter droite du pied droit (Dave Weckl, Terry Bozzio, Jack de Johnette). D'autres utilise un tambourin suspendu à la verticale avec une pédale de grosse caisse, à gauche du charleston, pour jouer d'un tambour très aigu avec un pied (Terry Bozzio, Marco Minnemann).

Marc De Douvan déc. 2005, révisé en mars 2013.


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