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Les cymbales

La cymbale est un instrument qui semble d'origine grecque (au moins pour son nom: "kymbalon"). La forme de la cymbale est constituée de deux sphères tronquées dont la plus petite est interceptée par la plus grande (on peut parler de "double dôme") et possèdant le même axe central. L'épaisseur de la cymbale s'affine à mesure qu'on se rapproche du bord (dont les angles sont plus ou moins arrondis pour éviter les coupures lorsqu'on les manipule).

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Description générale

Le bronze (alliage cuivre + étain) est invariablement son matériau, dans des proportions variées (traditionnellement 80% de cuivre pour 20% d'étain, alliage vulgairement appelé "B20" mais on fabrique aussi aujourd'hui du "B8" (8% d'étain), bon marché, plus aiguë et plus fragile). Certains fabricants introduisent de faibles proportions d'argent voire d'or ou de titane, dans certains de leurs modèles. Elles sont finies au ciselage (ou tournage) voire au polissage, pour donner un rendu brillant (ce rendu visuel intervient évidemment sur le son, et leur confère leurs harmoniques suraiguës et de plus grandes qualités de saturation).

L'origine de la forme des cymbales semble clairement militaire d'abord: il s'agit exactement de la forme d'un bouclier en bronze préhistorique (âge du bronze, photo: bouclier étrusque), dont la fonction était de repousser pointes de lances et de flèches (d'où le renfort central, endroit le plus vulnérable de face, contre une lance, et la forme parfaitement courbe, pour dévier les flèches). L'origine musicale elle-même est vraisemblablement la coutume de frapper son bouclier avec son arme pour effrayer l'ennemi, s'encourager et indiquer le nombre de ses forces, perpétuée jusqu'aux croisades.

Les plus anciens spécimens de cymbales, retrouvés archéologiquement, viennent entre autres, de tombes grecques (photo: Athènes, -500 avant J.-C.). Le bronze s'oxyde mais l'oxydation du cuivre est solide et stable (couleur verte), contrairement à la rouille du fer, ce qui explique l'excellente conservation de cymbales et de statues antiques en bronze plusieurs fois millénaires. Les cymbales grecques antiques étaient de petites tailles (environ 10'') et épaisses (pas comme les cymbales "splashs" actuelles). Elles avaient plus un son de gong, sec et résonant, que de "crash" (elles ne saturaient pas). Certains fabricants ont réintroduits des modèles à l'identique, qui sont intéressants pour jouer des mélodies ("Zil-Bell" de Zildjian par exemple, créée à la demande de Tim Alexander (Primus)) . Jack de Johnette, également pianiste, est un grand amateur de ces cymbales, qu'il a associées, à l'envers, avec des "flat-cymbales" ("cymbales plates", à simple dôme, ou sans dôme (on appelle généralement "dôme" ou "bell" ("cloche"), le plus petit des deux dômes)).

Les cymbales grecques étaient jouées par paires en entrechoquant une cymbale contre une autre (de même dimension), creux contre creux, sur la tranche, et tenues par des lanières de cuir passées dans un trou percé en leur centre (on le voit sur des bas-reliefs antiques grecs et sur une fresque célèbre de Pompei (photo) conservée de la lumière sous la cendre du Vésuve). Cette méthode de jeu n'a pas évolué jusqu'au début du XXème siècle, avec l'invention de la batterie de jazz.

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D'abord instrument d'accompagnement de danse (on retrouve cet usage chez les danseuses indiennes, qui utilisent de minuscules cymbales attachées au pouce et à l'index, les "cymbales à doigts" ("finger cymbals", environ 2,5" de diamètre), qui inspirèrent certainement les castagnettes gitanes (les tziganes sont originaires d'Inde)) et de cérémonies religieuses (on leur prêtait le pouvoir d'éloigner les "mauvais esprits", dans l'ancienne Grèce, d'où leur introduction dans les tombes), il est probable que ce soit les turcs, lors de leur conquête de la Grèce (prise de Constantinople par Mehmed II "le Conquérant" (1453), capitale de l'Empire byzantin, et future Istanbul, capitale de l'Empire Ottoman, qui fut pendant longtemps le centre du monde médiéval, à cheval entre les deux continents dominateurs de "l'Ancien Monde": l'Europe et l'Asie, où la suprématie de la technologie symbolisée par l'artillerie turque, annonçait déjà la fin de la féodalité chrétienne et l'avènement du futur "Nouveau Monde" et de l'ère scientifique et industrielle), qui donnèrent la forme la plus populaire des cymbales, telle qu'elle est encore utilisée aujourd'hui, grande et fine, avec une capacité de saturation moyenne ("crash", moyenne ou "ride" (grande), de 14 à 22'' de diamètre), afin d'en faire un usage martial et cérémonial. On les appelle d'ailleurs toujours "cymbales turques".

Un tableau contemporain relate l'anecdote de l'arrivée d'une ambassade turque à la cour de Louis XIV, suite au pacte d'alliance contracté avec la France, où le "Roi Soleil" faillit tomber de son trône en entendant pour la première fois des instruments de musique aussi fracassants (s'il en est), qui accompagnaient la procession des cadeaux du Sultan.

Leur usage devint vite à la mode dans les fanfares militaires européennes, mais il fallu attendre le XIXème siècle et un audacieux compositeur romantique (autrement dit, "moderne" pour l'époque) en France, Hector Berlioz, pour voir son usage dans les orchestres philharmoniques (non sans protestation ni réaction de la part de la société aristocratique et bourgeoise "bien-pensante").

Cymbales sur pied

Ce n'est qu'avec le jazz, que l'on a l'idée de suspendre les cymbales à des pieds et de les jouer avec une baguette, plutôt qu'en frappant une cymbale contre une autre. Tout d'abord juste accrochée à une barre horizontale ("potence") avec sa sangle ou une cordelette (comme l'utilisait Warren "Baby" Dodds avec "King" Oliver et Louis Armstrong), elle est rapidement "embrochée" verticalement sur une dans une tige (Ludwig, 1929, attaché à la grosse caisse d'abord) avec écrou papillon, et repose sur une rondelle de feutre superposée à une rondelle d'acier (pour étouffer les frottements et sons parasites).

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La pédale de "double cymbale", appelée "charleston" (peut-être sa ville d'origine (contraction de "Charlestown"), d'où vient aussi une danse de jazz) ou "high-hat" ("chapeau haut") est une invention plus tardive ((1928 par Ludwig encore).

C'est aussi à cette époque que Zildjian invente la "splash", cymbale petite et fine (de 6 à 12") à la demande de Gene Krupa (un des premiers batteurs virtuoses), pour mettre des accents anecdotiques et explosifs mais pas trop bruyants.

Les cymbales ne sont alors plus embouties par le pénible travail du marteau du forgeron contre l'enclume, mais par une presse (sauf en Turquie (marques Istambul Mehmet et Agop (voir vidéos au-dessus), anciens artisans Zildjian par exemple), où les artisans gardent encore la tradition du façonnage de la forme au marteau frappant à la main), et martelées ensuite sommairement pour conserver le son et le "crash" originel (ce son de "tonnerre" si typique, qui impressionna tant Louis XIV et qui est très souvent utilisé dans les musiques d'ambiance, comme les musiques de film ou les opéras modernes). La marque italienne Ufip utilise un procédé moderne unique pour façonner la forme des cymbales par moulage rotatif ("rotocasting" (voir vidéo ci-dessous)) qui donne un son très clair (sur le modèle des cloches d'église en fait) qui n'a pas ma préférence (trop peu d'harmoniques graves et de "crash") comme je pense beaucoup de batteurs, mais cela a l'avantage de l'originalité, la brillance, la clarté, la résistance et d'être moins cher pour un alliage et une finition équivalentes (elles furent mes premières cymbales quand je commençai à pratiquer la batterie et je les jouais même en concert).

Les batteurs de jazz-rock (avec instruments amplifiés et son saturé) des années 1970 (comme Jack de Johnette, Billy Cobham ou encore Al Foster, tous anciens batteurs de Miles Davis à sa période électrique), populariseront l'usage de la cymbale chinoise (très saturante) dans le set de batterie, dont la forme, avec rebord recourbé, remonte une fois de plus à des temps immémoriaux. Pourtant, la cymbale chinoise (or simplement "china" en américain) était déjà importé de Chine (comme les "toms-toms") et utilisée dans les premiers sets de batterie de jazz.

Certains fabricants actuels essaient de renouveler l'instrument en ajoutant une couche de peinture (fabriqué par Paiste et utilisé par Nicko Mac Brain pendant un temps et Joey Jordison entre autres) ou de vernis (fabriqué par Sabian) ce que pour ma part, je ne trouve pas très convainquant sur le plan sonore.

Et je ne parle même pas des imitations électroniques qui sont à mille lieues de retransmettre la complexité d'un timbre naturel qui fait de chaque note un son unique, insaisissable et capable de transmettre et de sublimer la moindre subtilité du geste de frappe.

Les batteurs de jazz contemporain ne s'y sont pas trompés et ont fait de la cymbale turque traditionnelle, leur instrument de prédilection, en lui donnant enfin ses lettres de noblesse (écoutez Elvin Jones, Daniel Humair, Peter Erskine, Dave Weckl ou Jack de Johnette par exemple, qui savent mieux que personne exploiter à fond tout le potentiel expressif et musical d'une cymbale).

Par contre, des variantes modernes subtiles dans les modes de fabrication et de finition, ajoutent un réel plus sur le plan de la variété des sons et des techniques de jeu.

Je ne citerais que la "ride léopard", pour exemple, dont le martelage clairsemé et l'absence totale de ciselage a été repris par toutes les marques. Cette finition a pour effet d'enlever quasiment toute capacité de saturation et de rapprocher le son de cymbale d'un son de gong traditionnel, ce qui donne des notes très "piquées", idéales pour un jeu rapide (Jack de Johnette, Dave Weckl ou Steve Gadd l'ont adoptée et y sont fidèles depuis longtemps; c'est aussi mon cas).

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Les finitions

Pour simplifier, on pourrait dire, que plus une cymbale possède une forme chaotique, plus elle sera expressive, riche de timbre, grave (ou sombre "dark"), incontrôlable et crashante. Un martelage manuel intensif avec un gros diamètre de tête de marteau, doublé d'un ciselage (ou "tournage") intensif sur plusieurs couches (plusieurs passages au même endroit), permettra d'obtenir ce résultat (presque toutes les marques proposent aujourd'hui ce genre de modèle qui se rapproche de la forme traditionnelle).

A l'inverse, un faible ciselage (voire pas de ciselage du tout), un polissage, des coups de marteaux réguliers (fait par robot contrôlé par informatique), et de faible diamètre, peu nombreux (voire pas de coup de marteau du tout), donnera une cymbale très régulière et "sèche" ("dry").On peut affiner un peu cette analyse en ajoutant que les gros creux induits par les coups de marteaux déterminent la quantité des harmoniques grave (plus le coup est gros et puissant, plus elle sera sombre), et que le ciselage détermine les harmoniques aigus (une cymbale sans ciselage en aura quasiment pas, une cymbale ciselée puis polie aura exclusivement des harmoniques suraiguës, par exemple).On peut encore assécher le son en réduisant la taille du dôme ("minicup") ou en le supprimant carrément ("flat" ride), inventions des années 1970 (par et pour Roy Haynes fabriqué par Paiste).

Plus une cymbale est épaisse plus son amplitude de vibration va se réduire, elle sera donc à tonalité fondamentale plus aiguë, plus précise et plus sèche encore. A l'inverse, arrivée à un certain stade de finesse, une ride sera classée dans la catégorie des "crash" (ce n'est pas la taille qui distingue fondamentalement la crash et la ride, mais leur capacité à rentrer en saturation, en sachant que plus une cymbale est grande, moins elle sature facilement (à épaisseur égale)).

Plus une cymbale aura une tonalité fondamentale aigüe, moins vous entendrez le son de la baguette, surtout si la baguette est dense, et donc avec une tonalité fondamentale aiguë aussi. La cymbale qui fera le mieux ressortir le son de la baguette sera donc grande, pas très épaisse (mais un peu quand même pour ne pas trop saturer), avec gros martelage manuel (irrégulier) et sans ciselage. A contrario, une cymbale épaisse, petite (crash ou splash), sans martelage et ciselée intensivement, ne laissera quasiment pas entendre le son de baguette et encore plus si elle est en alliage B8 (avec plus de cuivre, naturellement plus aiguë).

petit martelage mécanique (régulier) et ciselage seul (Avedis Zidjian)
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petit martelage mécanique, ciselage et polissage (A Custom Zildjian)
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petit martelage manuel (chaotique) et ciselage seul (K(Kerope) Zildjian)
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Petit martelage manuel, ciselage et polissage (Oriental China Trash Zildjian)
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Gros martelage manuel et ciselage intensif (K Constantinople Zildjian)
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Petit martelage mécanique et manuel clairsemé, pas de ciselage ni polissage (K Custom Dry Ride Zildjian)
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petit martelage manuel clairsemé et ciselage
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Les différentes frappes de cymbales

1: Le ping (Zildjian K custom dry ride ici)
Le ping
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Frappe de l'olive sur le plat de la cymbale, qui sert généralement à faire le chabada (phrase de jazz courante à 6 temps jouée en boucle à la main droite: "ti - - tchi - ti ti - - tchi - ti"). Le son qui en résulte est sec, clair, et fait ressortir le son de la baguette.
2: Le crash
Le crash
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Frappe du manche sur le plat de la cymbale, qui sert généralement à faire saturer la cymbale. C'est ce qui donne le son fracassant typique des cymbales turques des origines (frappées l'une contre l'autre). Ce coup est souvent utilisé à l'unisson avec la grosse caisse pour marquer un temps fort, la fin d'un break ou une descente de toms. C'est ce qu'on appelle vulgairement une "pêche" en français.
3: Frappe du dôme ou cloche ("bell" en anglais)
Frappe du dôme ou cloche ("bell" en anglais)
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Le dôme est généralement frappé avec le manche de la baguette, sur le côté, et rend un son sec, puissant et à tonalité précise, à l'image d'une cloche (qu'elle soit en bronze ou en fer d'ailleurs). D'où l'appellation trompeuse de "cloche de batterie". Ce coup est bien sûr très souvent utilisé en latin jazz pour imiter les cloches de vaches.
4: Frappe de la tranche
Frappe de la tranche
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Coup de manche perpendiculaire à la tranche qui fait raisonner la cymbale un peu comme un crotale (petite cymbale tibétaine très épaisse et résonante ("tingsha")). C'est un coup intéressant pour les ambiances atmosphériques Remonter avec beaucoup de silences (Jack de Johnette, Daniel Humair ou Peter Erskine l'utilisent souvent).

Marc De Douvan déc. 2005, révisé en mars 2013.

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