: : : Santé : : Posture

La première chose à remarquer sur la posture du batteur est que la position assise (imposée par l'utilisation d'une pédale à chaque pied), est une position forcément inconfortable pour le dos. En effet, elle impose une courbure (de par la position des jambes et des hanches) qui entraînent un report du poids sur une partie des vertèbres seulement (l'idéal étant la position debout, où l'on retrouve le système de " colonne " grecque à segments, parfaitement équilibré).

On peut néanmoins minimiser les dégâts sur les cartilages intervertébraux (" disques "), qui peuvent être irrémédiables (voir à "Blessures", "L'arthrite"), en adoptant une position intermédiaire : ni trop relaxée (dos rond), qui peut entraîner une " lordose " à la longue (déformation des os et atrophie des muscles posturaux), ni trop droite et rigide, ce qui entraîne une pression de tout le poids sur les seules vertèbres et disques " lombaires " (les plus proches du bassin) qui ont alors de fortes chances de s'abîmer.

J'insiste en préambule sur la nécessité impérative d'utiliser un vrai siège de batterie, dont le rembourrage, la forme circulaire (ou en selle de moto), et l'assise parfaitement horizontale et réglable en hauteur, constituent des caractéristiques indispensables à l'adoption d'une bonne posture.

Un autre facteur sur lequel on peut facilement jouer, est la position des jambes (cuisses). Selon ce qui vient d'être dit, on comprend aisément que plus les jambes se rapprocheront de la position debout, en se rapprochant de l'alignement avec la colonne vertébrale, moins cette dernière sera obligée de se courber.C'est pourquoi, je conseille de lever le siège le plus haut possible et de s'asseoir très près du bord (la plupart des batteurs virtuoses s'asseyent de cette manière, si vous observez bien). Cette posture à en outre l'avantage de faciliter l'accès d'instruments en hauteur (crashs, chinoises, etc.). Certains batteurs comme Christian Vander (" Magma ") ou Terry Bozzio, jouent avec 3 rangées de cymbales les unes au dessus des autres. En tout état de cause, le genou ne doit pas monter plus haut que la hanche.

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Notez que pour faciliter la respiration, il faut se tenir le plus droit possible, ce qui n'est pas possible ici.Une bonne attitude doit à mon avis être aussi intuitive, et mouvante, c'est pourquoi je déconseille l'usage d'un dossier (la plupart des sièges de batterie n'en possèdent pas).Vous ne pouvez de toute façon pas concentrer votre attention sur votre posture en jouant normalement, il y a d'autres choses à penser à ce moment là. C'est pourquoi, je conseille de faire des exercices spécialement pour travailler la posture, isolément, en vous concentrant sur votre posture et en jouant très lentement (comme au ralenti), pour intégrer de bon réflexes. Profitez des pauses et des silences pour vous étirer le dos et vous relaxer, voire quitter les pédales (pour abaisser encore le niveau des pieds (quelques centimètres, c'est mieux que rien)).

Enfin, pour en finir avec la position du dos (dont j'espère avoir bien fait comprendre qu'elle dépend beaucoup de la position des jambes), évitez le plus possible les rotations du buste, surtout compte tenu de la courbure imposée (torsion extrêmement redoutable pour les disques).Pour ce faire, évitez l'installation d'instruments aux extrêmes droite et gauche, et si c'est le cas, mettez des instruments que vous jouez rarement (cymbale chinoise par exemple) ou n'imposant pas de va-et-vient constants (Akira Jimbo, par exemple, positionne comme moi, deux timbales latines à gauche de la jambe gauche, et les jouent généralement pendant un temps, isolément du reste du set ; de même pour Terry Bozzio avec ses 8 " piccolos toms ").

Beaucoup de batteurs concentrent tout leur kit d'instruments sur la droite, ce qui les oblige à avoir constamment une position torsadée de la colonne, car la caisse claire et les pédales imposent une direction au bassin. Cela témoigne en plus d'une faible ambidextrie (à éviter donc). Un bon set doit donc être relativement symétrique (l'axe passant par le centre du siège et de la caisse claire (et non la grosse caisse, contrairement aux apparences, qui se trouve à droite)).

De plus, il est évident qu'on a tout intérêt à rapprocher le plus possible les instruments entre eux et vers soi, et de les choisir petits, pour augmenter leur nombre et réduire les distances de passage (c'est pourquoi j'affectionne les batteries " jazzette ", les cymbales " splashs " et les " mini-timbales " suspendus (instruments récents)). Pensez aussi que les cymbales sont plates et peuvent facilement " chevaucher " une autre cymbale ou un tambour, surtout s'ils sont grands (on a pas besoin d'utiliser toute la surface de frappe, c'est juste une question de précision de frappe).

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Parlons maintenant des autres articulations.

En règle général, il est préférable d'utiliser les articulations à rotules (qui sont faites pour cela) des épaules, voire les poignets, pour " attraper " tous les instruments du kit.

Servez-vous d'une méthode utilisée dans les arts martiaux, qui consiste à regarder au loin pour porter son attention visuelle de manière panoramique, plutôt que de tourner la tête (afin d'épargner les vertèbres " cervicales ", cette fois). En définitive, sauf exception (comme avec de très petits instruments et espacements (un agogo ou un métallophone, par exemple)), vous devez arriver à jouer " en aveugle " (à condition de garder toujours la même configuration d'instruments et de baguettes). Un pianiste ou un guitariste, ne regardent en général pas leurs doigts quand ils jouent, ils ont intégrés les distances grâce à leur mémoire et leurs sensations corporelles.Rappelons à ce propos, qu'il n'existe pas de configuration de batterie type, c'est à vous de choisir avec intelligence ce qui vous convient le mieux. Certains gauchers inversent symétriquement comme dans un miroir tous les instruments, d'autres n'intervertissent qu'une partie d'entre eux (c'est le cas de Daniel Humair par exemple, qui intervertit la position de la grosse caisse et du charleston seulement).

Munissez-vous enfin de baguettes les plus longues possibles, pour amplifier au mieux vos gestes et réduire ainsi les distances de passages.

Quand Max Roach joue, il utilise au maximum ses poignets pour les passages, ce qui donne l'impression qu'il ne bouge pas (en gardant le dos et la tête droits et les bras le long du corps : efficacité garantie). Mais cela n'est évidemment pas naturel et demande beaucoup de pratique. Y penser est déjà un premier pas vers l'acquisition de ces capacités. Trop de batteurs pensent que vitesse rime avec énergie et ils rivalisent de gesticulations stériles et grotesques. Bien au contraire, je conseille d'avoir une fois de plus, une attitude d'art martial à la japonaise (l'attitude " zen "). Pensez au samouraï qui concentre son action dans l'espace et le temps pour atteindre son objectif, en éliminant tout geste parasite (Miyamoto Musashi (XVIIème siècle), un des plus célèbre samouraï de l'Histoire, également célèbre duelliste, auteur d'un traité sur le combat au sabre, mais aussi peintre et poète, s'est inspiré des percussionnistes pour inventer la technique révolutionnaire du combat à deux sabres (photo: estampe montrant Miyamoto s'entrainant avec deux bâtons)). En effet, n'oubliez jamais que la vitesse est un rapport entre une distance et une durée. En réduisant les distances parcourues, vous augmentez ainsi la fréquence de vos battements (tempo), à vitesse gestuelle égale, et dépensez moins d'énergie. Cela implique une grande précision et conscience de ses gestes et des positions des instruments dans l'espace. L'intensité sonore elle-même n'est pas due uniquement à l'énergie que vous mettez dans votre frappe mais aussi de son efficacité et de la résonance de l'instrument. Pour obtenir une résonance maximale il faut laisser rebondir la baguette et ne pas l'écraser, paradoxalement (car il faut alors relâcher ses muscles juste avant le contact, comme si vous jetiez une balle contre un mur), pour laisser vibrer librement la peau ou le métal. Certains endroits de la peau, des cymbales ou des baguettes sont plus résonants que d'autres et l'appui sur le rim en faisant levier permet de décupler la puissance des coups (c'est ce qu'on appelle un "rim shot" en américain: voir la description des gestes de frappe avec des photos à "caisse claire" et "cymbales").

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A propos des doigts, rappelons deux évidences :

1 : l'usage de la frappe des doigts est moins fatiguant et plus rapide (mais plus difficile à maîtriser).

2 : il ne permet pas les passages, ce qui impose de maîtriser aussi les autres types de frappe (épaule, bras et poignet).

Rappelons aussi que le rebond (qui nécessite une prise (" pince ") très relâchée, entre pouce et index, et un mouvement de baguette parfaitement vertical), permet une économie d'énergie et une vitesse considérables.

L'alternance des différents muscles (frisé, jeu bras-poignet, bras-doigts, poignet-doigts et talon-pointe (voir ma leçon "Alternance des frappes")) est aussi un excellent moyen d'économie d'efforts (qui peut mener rapidement à la tétanie, tendinites et autres blessures sinon).

Enfin, vous gagnerez en efficacité en frappant les instruments au moment précis où vous atteignez le maximum de vitesse, ce qui implique une accélération continue au moment de la frappe (technique utilisée par les tennismen et les karatékas que l'on peut comparer au "coup de fouet"). L'idée pour ne pas plaquer la baguette et profiter du rebond, est de relâcher brutalement le plus tard possible avant le contact contre la peau. Exercez-vous à cette technique en répétant une frappe d'une seule main, en faisant des pauses entre chaque coup et en dissociant chaque articulation (voir la leçon: "La dissociation des frappes"). Un préliminaire intéressant à cette technique est de s'exercer en frappant un oreiller avec les baguettes (sans chercher à relâcher au bon moment au départ, pour bien saisir ce principe d'accélération du mouvement et apprendre à sentir son corps et l'espace).

Une dernière technique possible, décrite par Daniel Humair dans son DVD pédagogique "La batterie jazz" (2006) et Jack Dejohnette dans sa vidéo pédagogique « Musical expression on the drumset » (1992),consiste à utiliser chaque articulation simultanément pour amplifier la frappe (que je conseille pour une frappe très puissante ou les passages d'un instrument éloigné d'un autre, dans le set (une spécialité de Daniel Humair dans un seul mouvement rotatif, en "glissant" d'un instrument sur l'autre, et en exploitant le rebond encore)).

Pensez enfin à décontracter au maximum les parties du corps non utilisées (cela demande du sang froid) pour ne pas engendrer une fatigue générale totalement inutile (le batteur joue traditionnellement en continuum, comme le bassiste).

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A propos des jambes et des pieds enfin :

Il est recommandé de tendre les jambes en plaçant le siège loin de la batterie, pour épargner l'articulation du genou, cette fois, mais pas trop pour profitez quand même du poids de celle-ci et évitez de se pencher en avant pour l'utilisation des mains. Un bon compromis, à mon avis, est de faire un angle d'environ 100° entre le mollet et la cuisse.

Posez votre talon au sol dès que vous le pouvez, pour reposez les jambes.

Ne positionnez pas votre pointe de pied trop loin de la chaîne de transmission, pour éviter un effort trop brutal (" moment " des forces).

Ne tendez pas trop la peau de grosse caisse pour évitez que les vibrations du choc de batte ne se répercutent sur votre pied et cheville.

Pour les mêmes raisons, évitez de frapper avec trop de force.

Tendez les ressorts des pédales au minimum, pour éviter un effort supplémentaire inutile lors de la frappe (l'armement se fait bien assez vite, si vous relâchez la pédale de manière synchrone). De plus, cela vous permettra de jouer sur les " dynamiques " (différences d'intensité) plus facilement.

Veillez enfin à avoir une bonne amplitude de frappe de la batte (toute bonne pédale permet ce réglage).

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Marc de Douvan

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